À la découverte du Taekwondo
Art martial pour tous

“Pour commencer, ils vont s’amuser”. Nicolas Sanna vient de passer plusieurs minutes à placer les ceintures sur chaque enfant, un par un. “Si on m’avait donné un euro pour chaque ceinture, je serais milliardaire”, plaisante-t-il avec les parents, encore présents et dont la plupart resteront le temps de l’entraînement.

Pendant ce temps, puis alors qu’il se prépare à son tour, les enfants courent dans tous les sens dans la salle du Mu Gunk Hwa Taekwondo Corsica, ancien Master Park d’Ajaccio.

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Ca rit beaucoup, ça crie pas mal, les enfants gambadent. Certains transpirent déjà, d’autres semblent consciencieusement se préparer à l’heure et demi d’art martial qui les attends, frappant un mannequin dans un coin du dojang. Ce sympathique vacarme résonne particulièrement dans les locaux.

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Quelques minutes plus tard, un homme tape dans ses mains. Ni trop doucement, ni trop fort. Nicolas Sanna est prêt: ce bruit en est le signal. Comme un seul homme, la trentaine d’enfants vient, sans besoin de rappel, s’asseoir devant lui. Ils attendent, en silence, les premières instructions. Le contraste est saisissant: le Taekwondo commence.


“NICOLAS, EST-CE QUE TU SAIS COMPTER JUSQU’À 1000 ?”

Si les profils et les niveaux se mélangeaient, maintenant, ceintures vertes et bleues ont pris la tête de la file. Au fond, ce sont les ceintures blanches, monochrome accordé aux débutants, qui s’installent.


Zoom sur le Taekwondo à Ajaccio : cours des jeunes par corse-matin

L’échauffement est mené par Nicolas Sanna. En choeur, ils font monter le rythme tout en laçant un décompte en coréen qui ressemble à un cri de guerre : “Hana, Dul, Set, Net”, reprennent-ils ensemble.

Le plaisir se ressent mais la rigueur est quasi-militaire. Les enfants mouvementés avant le début des exercices ont laissé place à une armée de petits êtres assidus. Bien sûr, quelques uns ont un peu de mal à suivre.

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Dans le silence qui règne entre chaque exercice, les questions d’un enfant se perdent. “Nicolas, est-ce que tu sais compter jusqu’à 1000 ?”. Cette question, qui ne semble pas coller avec le contexte, ne perturbe pas Nicolas Sanna, qui arrive à avoir un oeil partout, sur les trente enfants en même temps. Comme un don d’ubiquité.

Quand un élève semble perdre le rythme, ou rencontrer une difficulté, il le remarque, interpelle, vient en aide.

Les activités s’enchaînent après les étirements sur l’aire de combat. Au moment de faire de ses pieds une arme fatale, certains enfants semblent dotés d’une puissance phénoménale. Et pas seulement les garçons. “Chez moi, j’ai 60% de garçons et 40% de filles”, indique Nicolas Sanna. A vue d’oeil, la parité semble même respectée pendant le cours pour enfants.


“ON CRIE BEAUCOUP”

Dans la salle du Mu Gunk Hwa, la rigueur n’empêche pas le bruit.

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Normal : Au Taekwondo, les cris, la plupart du temps en coréen, se joignent aux coups, aux mouvements. “On crie beaucoup, ça permet aussi d’évacuer le stress accumulé”, pense Nicolas Sanna. Et après les hurlements, après le coup de pied qui va bien, après la danse du corps qu’est cet art martial, personne n’a intérêt à oublier le Salut. L’éducateur rappelle ceux qui ont la tête dans la lune pour le faire, signe que le respect est un facteur principal de ce sport pas comme les autres.

Pour en terminer avec cette heure sportive intense, Nicolas Sanna propose un petit jeu où les perdants doivent faire dix pompes. Autant dire que la technique de certains au moment de répondre à cette besogne n’est pas très développée, mais qu’importe.

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Pendant qu’aux vestiaires, les enfants se changent, les adultes – et les adolescents – rentrent en piste. Pas le temps de souffler pour le maître de lieux, mais il n’a pas l’air de s’en plaindre. Cette fois, rien ne vient troubler la rigueur de la pratique. Les cris ponctuent toujours les mouvements, mais la détermination est sans faille.


Zoom sur le Taekwondo à Ajaccio : cours des… par corse-matin

“Devant vous avez les extraterrestres, et derrière le côté humain”, nous glisse le professeur. Les ceintures noires insufflent le rythme, tandis que les autres sont sérieux et appliqués, derrière.

Sur l’aire de combat, il y en a pour tous les goûts, toutes les envies : des compétiteurs, des combattants, mais aussi des personnes venues simplement prendre du plaisir, se défouler, comme Pierette, 46 ans. “C’est un sport de combat, le KO est autorisé. Mais d’autres viennent pour faire du cardio sans faire de combat, c’est une partie facultative. Le Taekwondo c’est une armoire, on ouvre le tiroir qu’on veut selon ce qu’on recherche : combat, cardio, self-defense. Il est un ensemble de pleins de disciplines en une seule”, détaille Nicolas Sanna.

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UNE PASSION COMMUNE

Jérôme Chiappe, en tête de file, est le sparring-partner attitré de Nicolas Sanna au moment de montrer les différents exercices. Le sportif, habitué des compétitions, cherche lui-même parfois son second souffle pendant l’intense entraînement. D’autres, plus loin, ceintures jaunes ou blanches à la taille, demandent une petite pause sur certaines activités, ou se l’accordent discrètement.

Finalement, d’un cours à l’autre, ce qui rythme ce cours est l’envie commune de faire des efforts, où une trentaine de personnes ne fait plus qu’une.

Avec ses 165 licenciés (sur 800 dans l’île), le Mu Gunk Hwa est le plus important club de Corse, avec son propre local, ses méthodes, ses principes. Et à sa tête, Nicolas Sanna, désormais vice-président de la Ligue de Corse. Mais surtout, un véritable amoureux de cet art martial qu’il a découvert en 1985 lors de ses études à Nice. “Avant, je voulais faire du Judo mais ma mère ne voulait pas”, plaisante-t-il.


Zoom sur le Taekwondo à Ajaccio : interview de… par corse-matin

Dans ses yeux, ses mots, impossible de ne pas voir la passion qui anime ce – très – grand gaillard et son besoin de vendre une pratique encore trop méconnue, venue du pays du matin calme.

La voie du pied et du poing, la traduction la plus littérale possible du Taekwondo, a droit à une jolie publicité, plusieurs soirs par semaine par un 6ème Dan, haut grade d’une pratique dont le perfectionnement ne s’arrête pas à la couleur des ceintures.

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Rue Salicetti, à Ajaccio, au Parc des sports de Propriano ou encore à la Plaine de Péri, tout le monde peut venir appréhender un art qui, souvent, quand il est testé, est adopté. “Tous les publics sont concernés. Tout est adaptable, il y a même des gens avec un léger handicap qui peuvent pratiquer sans aucun problème. Le pratiquant le plus jeune a 3 ans et le plus âgé 60 ans. Mon grand regret est d’avoir « perdu » une de mes adhérantes qui a des problèmes de dos. Elle a arrêté il y a cinq ans et elle a 79 ans. Faites le calcul, et elle s’entrainait deux fois par semaine”, conclut Nicolas Sanna, sur une dernière anecdote qui en dit long.

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Le Taekwondo, à savoir :

– 800 licenciés en Corse
– 54 000 licenciés en France
– Discipline olympique depuis 2000
– Pour tous les âges
– Une discipline de loisirs comme de compétition

Texte : Frédéric Scarbonchi
Images : Jean-Pierre Belzit, Frédéric Scarbonchi, Nicolas Wallon

Corse Matin